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Paco Mateo, une carrière en suspens
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Un terrible accident

« Le réputé avant-centre des Girondins A.S.P. Matéo (avec un accent aigu et un nom francisé, NDLR), vedette du football du Sud-Ouest, a été jeudi victime d’un très grave accident d’auto. Nous avons appris par M. R. Brard et diverses personnalités des Girondins, que le camion dans lequel se trouvait Matéo au moment de l’accident dérapa dans un virage. Matéo, déporté, reçut sur les reins et sur le cou de très lourds matériaux et une grosse scie qui le blessèrent très sérieusement. Jeudi soir, Matéo était dans le coma et son état paraissait désespéré. Une intervention chirurgicale pratiquée d’urgence vient d’apporter un mieux sensible et, vendredi, aux dernières nouvelles, l’avant-centre avait repris connaissance et paraissait hors de danger. » L’Andalou, après avoir pris part au début de l’aventure dans la quête du trophée Charles-Simon, a été victime d’un effroyable accident de la route. En ce lendemain de Noël 1940, le camion dans lequel il se trouvait a fait une embardée, transformant l’instant en drame. Le choc fut terrible et il fut grièvement blessé. Verdict : colonne vertébrale touchée et jours en danger ! Selon le corps médical, après examens des radiographies, le fait qu’il vive encore est considéré comme « un miracle » ! Et la presse de s’en faire écho, via La Petite Gironde (ancêtre du journal Sud Ouest), le samedi 28 décembre 1940.  L’hospitalisation sera longue et l’indisponibilité sportive, forcément, aussi. Et ceci, dans le cas où l’attaquant pourrait un jour reprendre la compétition… Sur le terrain, c’est Urtizberea qui retrouve, par la force des choses, du temps de jeu. Sachant que l’autre canonnier de l’effectif, Claude Pruvôt, est lui aussi contraint à l’arrêt, pour cause de blessure. Le « Tank » fera le job en inscrivant encore beaucoup de buts… Mateo, lui, qui avait jusque-là refusé des offres d’un grand club argentin et projeté de se marier, doit patienter, lutter, et rester alité. Mais à force de soins et de courage, il revient progressivement sur pied. Et dès la fin du mois de février 1941, il est debout, sur les deux ! Invité, même, pour donner le coup d’envoi d’un « grand match » de championnat interrégional, face au Racing Club de Paris, locomotive du football français (3-1)… Ce duel se tient au Stade Municipal – c’est une affiche –, et cette première sortie officielle, lui permettent de mesurer le taux de popularité et d’amour que le public lui porte toujours. S’il en doutait, le voilà rassuré ! D’autant plus que cela se produit après une action spéciale organisée en son honneur au Stade des Chartrons, quelques jours plus tôt ; à l’occasion de « La journée Mateo », et face au F.C. Mont de Marsan (8-0), en amical.

Spectaculaire et poétique

Dans l’édition du 7 octobre 1941 de L’Auto, il est écrit : « Entre Matéo et Urtiz, l’entraîneur Díaz hésite. Gageons qu’au fond de son cœur il préfère Matéo. Nous avons, en effet, l’impression que Matéo répond mieux à sa conception personnelle du football. Il y a chez Matéo plus de finesse, plus de brio, plus de chevalerie que dans Urtizberea. Si réaliste et si continental qu’il soit devenu, le football espagnol conserve toujours un regard attendri, un souvenir nostalgique pour celui qu’on pratique à Rio de Janeiro, à Montevideo ou à Buenos Aires. L’entraîneur Díaz, qui tient en assez mince estime les conceptions modernes du football, ne couve-t-il pas une certaine prédilection pour le jeu romantique de l’Amérique du Sud, où, dans les équipes les plus homogènes, les individualités savent toujours se faire valoir par des promesses isolées ? Et si l’on affectionne tant ce dribble chez les Girondins, n’est-ce pas parce qu’il est spectaculaire et en quelque sorte poétique ? L’on soupçonne l’entraîneur Díaz de regarder d’un œil complaisant les dribbleurs girondins. » Tandis que les Girondins savourent leur précieux sésame et qu’ils croisent le fer, avec plus ou moins de réussite (ils sont désormais plus attendus), en Zone Occupée, lors de l’édition 1941-1942, le rescapé reprend le chemin des vestiaires, et tente de revenir au niveau qui était le sien avant l’accident. Petit à petit, il goûte au bonheur de pouvoir enfin rejouer parmi l’élite et, moins d’un an après, il intrigue et interroge. Les journalistes se demandent même « quel est le meilleur avant-centre pour les Girondins »… entre Mateo et Urtizberea ! Pourtant, en principe, addition de talents ne nuit pas… Mais à l’époque, ceci est considéré comme un véritable « embarras ». Un problème de riche(s), oui !  Pour le match qui suivra, Diaz donnera « préférence au taureau (« de Guipúzcoa », l’autre surnom d’Urtizberea, NDLR) plutôt qu’au toréador »… Le profil du Basque correspondant plus et mieux à celui dont a besoin l’équipe, en cette période précise. Et dans ce qui est alors le principal quotidien français, il est par ailleurs indiqué que : « Matéo, joueur délicat, courtois et de belles manières, répugne quelque peu aux besognes qui sont désormais celles d’un pilier d’attaque. Il se désole d’être surveillé de trop près, d’être contré trop directement dans ses entreprises, voire dans ses intentions. (…) Urtiz apporte dans l’exécution de son rôle d’avant-centre un opportunisme, une simplicité rude, qui ne sont point précisément le fait de Matéo. Celui-ci ne ferait-il pas pour les Girondins un meilleur inter ? Justement, il leur manque un homme à cette place. » « Inter » signifiant milieu de terrain relayeur, ou « box to box », selon le langage désormais usité ! La vision du jeu exceptionnelle et la justesse technique dont il dispose lui accordent tout à fait ce pouvoir-là. Et voyant qu’en dépit de prestations honorables, mais en deçà de celles dont il avait le secret jusqu’en 1940 (et des attentes, aussi), Mateo et le staff choisissent l’option… défensive ! Ainsi, il recule de deux lignes et investit la fonction de demi-centre (défenseur central), qu’il sera capable de mettre par la suite de côté, pour suppléer parfois ses attaquants…