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Jean Swiatek, une star pleine d'humilité
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Une saison parfaite

La saison est pleine et quasi parfaite. Ce sont 21 victoires, 9 nuls et seulement 4 défaites qui sanctionnent le parcours (avec une seule défaite à domicile, toute compétitions confondues), mais aussi 6 points d’avance sur le LOSC, l’une des formations les plus redoutées de D1. Ceci fait avec la meilleure attaque (88 buts inscrits) et la meilleure défense du plateau (40 buts encaissés) ! Swiatek et sa ligne défensive règnent en maîtres. Champion de D1 après avoir été promu ? Voilà encore un exploit que seuls deux clubs sont parvenus à réaliser depuis : l’A.S. Saint-Étienne (championne de D2 en 1962-1963 et de D1 en 1963-1964) et l’A.S. Monaco (championne de D2 en 1976-1977 et de D1 en 1977-1978) ! De fait, début juin, ils ont la possibilité de disputer, la demi-finale, puis la finale, de la Coupe Latine (ancêtre de la Coupe d’Europe)…

Muscles, pub et finale !

À l’image du onze dont il fait partie, Jean Swiatek est respecté, craint, admiré. Balle au pied, il est dit « infranchissable ». Sa mâchoire carrée, support inférieur d’un visage buriné, laisse supposer qu’il peut croquer tout entier quiconque veut le provoquer frontalement ! Alors, ses jambes… Musculeuses, puissantes, elles interviennent et taclent avec fermeté, mais avec grande correction, aussi. Car l’homme est à la fois décrit comme « force de la nature » et… « doux comme un mouton » ! Élément de base du renouveau girondin et d’un palmarès naissant et à enrichir insatiablement, il est une véritable star sur le pré rectangulaire, comme en dehors. Même si sa modestie et sa simplicité doivent en pâtir ! « Au club, il n’y avait aucun vedettariat. J’ai fait de la pub pour des pâtes et un apéritif, on m’a payé avec deux bouteilles et des paquets de pâtes ! À cette époque, avec mon magasin d’articles de sport, ça permettait de continuer à vivre », indiquait-il au journal Sud Ouest, en 2006. À l’international, en parallèle à ses convocations régulières chez les Bleus, le gaillard découvre la Coupe d’Europe, via la Coupe Latine (qui a précèdera la C1), laquelle réunit (de 1949 à 1957) les clubs récemment sacrés champions respectifs d’Espagne, d’Italie, de France et du Portugal. C’est là une vitrine sur le monde qui s’ouvre pour le club aquitain. Au programme, en demi-finale, c’est le Club Atlético de Madrid qui se présente, le 4 juin, à Lisbonne. Pour l’affronter, c’est… sans le canonnier Camille Libar, ni les gardiens de buts habituels – mais avec le jeune Jean-Guy Astresses – et en perdant l’émérite buteur « Bertus » de Harder ! Mais les Français s’imposent 2-4 ! En finale, ce sera le S.L. Benfica, considéré comme la meilleure équipe du monde ! Le 11 juin, dans son propre stade (Estádio Nacional), il faut donc s’armer ferme pour battre une formation qui vient d’éliminer la S.S. Lazio… Au bout de vingt minutes de jeu, les Girondins sont menés 2-0 (Arsénio Trindade Duarte, 4e et Eduardo José Corona, 17e), mais ils réagissent grâce à André Doye, qui marque deux fois (21e et 36e). Puis, ils prennent l’avantage par l’intermédiaire de Ben M’Barek Mustapha (43e). L’exploit est tout proche, mais Corona égalise à la 55e minute ! Plus rien n’est inscrit, ni durant la prolongation. Mais ce n’est pas fini : il faudra donc jouer un match d’appui pour départager les protagonistes. Cette rencontre a lieu le 18 juin, au même endroit, devant 25 000 spectateurs. Édouard Kargulewicz ouvre la marque à la 9e minute, et ses partenaires mènent le bal jusqu’à la fin du match ou presque… Et de nouveau, l’on entrevoit l’espoir d’un épilogue heureux. Mais Arsénio Trindade Duarte convertit une contre-attaque en but, à la 89e minute. C’est encore une prolongation qui s’impose ! Personne ne parvient à faire pencher la balance durant le temps règlementaire ; on va donc poursuivre jusqu’à ce que le premier qui marque l’emporte. Et à ce jeu-là, c’est Benfica qui gagne au « finish », au bout de 146 minutes de jeu, grâce à un but validé, bien que présumé entaché d’une faute sur Astresses… auquel certains attribueront un paradoxal « contre son camp » ! C’est un regret éternel, aussi, pour le capitaine visiteur… « Je me souviendrai toujours de cette finale de Coupe Latine. Il reste une minute à jouer et on mène 1-0. Je gueule vers mon coéquipier qu’il faut mettre la balle dehors. Malheureusement, il ne m’entend pas et la perd, et les Portugais égalisent… Et je me rappelle encore quand, en deuxième période, je pensais déjà par où j’allais monter dans le stade, pour récupérer la coupe… » C’est le premier trophée international majeur pour les Rouge et Blanc, et la première finale européenne pour les Marine et Blanc…  

Nice prive Bordeaux de titres

Jean Swiatek va se servir de cette expérience continentale pour appréhender la suite de sa carrière. Victimes de leur réputation, et de ces incroyables faits d’armes, les Girondins vont désormais être attendus au tournant, quelques mois plus tard. Parce qu’ils ont, et sont, l’équipe à battre ! Pierre Bernard, gardien de but international Juniors et Joop de Kubber, milieu de terrain récupérateur néerlandais, sont recrutés. En 1950-1951, ils terminent 6e de D1 (37 points), mais disputent jusqu’aux dernières journées le titre de champion. L’O.G.C. Nice se l’adjuge (41 points) et coiffe Bordeaux sur le fil… Mais lors de la suivante (1951-1952), le duel avec les Aiglons s’intensifie et, de nouveau, Swiatek et les siens poussent ces derniers dans leurs ultimes retranchements, pour un final haletant, qui déclare les Rouge et Noir champions (46 points), et les Marines deuxièmes (45), pour… une petite unité seulement ! La « revanche », en finale de Coupe de France n’aura pas lieu, puisque les Azuréens de l’attaquant-buteur Luis Carniglia s’imposeront une nouvelle fois (à Colombes, devant plus de 61 000 spectateurs), 5 buts à 3 ! Cette finale – le premier match de foot télévisé en direct en France – est restée dans les annales du football français, et est toujours citée en référence aujourd’hui. Pour les observateurs, c’est même la plus belle (et la plus prolifique en buts, à l’époque) de l’histoire, dans l’Hexagone… Mais cette incroyable saison est elle aussi assurément l’une des plus accomplies par l’équipe au scapulaire, depuis 1936… Retrouvez l'épisode 2 de l'histoire de la légende Jean Swiatek: https://www.girondins.com/fr/swiatek-capitaine-et-champion-de-division-1