Image
Image
Claps
0
Date
Contenu
Titre
Légendes - Jean Swiatek (partie 1)
Heading
Titre 2
Corps de texte

Jean Swiatek, le roc de l’Est !

Jean Swiatek, c’est un roc ! L’obstacle massif qui se dresse sur la route des adversaires qui osent le défier « d’homme à homme ». Un « géant » venu de l’Est qui rend 1,83 mètres sous la toise et 80 kg sur la balance. Pour l’époque, c’est considérable… Un Polonais arrivé en France tandis qu’il n’avait pas 5 ans et dont le talent va faire, une fois devenu jeune homme, le bonheur et la fierté des Girondins de Bordeaux Football Club…  

Janek plus ultra

Costaud et bien campé sur ses appuis, Janek – dont le prénom a été francisé par la suite, comme cela se faisait communément pour les joueurs étrangers à l’époque – est un athlète et un joueur gâté par la nature. D’un point de vue physique, d’abord, mais aussi en matière de bagage footballistique. Ce garçon, né en 1921 dans la Voïvodie de Basse-Silésie, et qui a suivi ses parents venus travailler dans une mine de sel en Lorraine, va rapidement s’apercevoir qu’il est doué pour utiliser ses… pieds ! Précoce, il est incorporé dans l’équipe première du C.S. Blénod (Blénod-lès-Pont-à-Mousson) en sortie d’adolescence et, à l’âge de 17 ans, fait sensation en Division d’Honneur. Ce défenseur puissant et prompt sur l’homme épate, autant qu’il suscite espoir et intérêt. Et donc, convoitise… En pleine ascension sportive, il se voit pourtant freiné dans sa progression par la déclaration de la Seconde Guerre mondiale qui le contraint, comme quasiment tous les autres footballeurs, à mettre sa perspective carrière – pour l’heure, d’amateur – entre parenthèses. Le Racing Club de Roubaix, l’un des premiers clubs du Nord et le meilleur de France (en termes de palmarès) au tout début du XXe siècle, qui lorgne sur son profil depuis un moment, n’aura donc pas le loisir de l’enrôler ; il le sera de force par, et pour, le… Service du Travail Obligatoire (STO) ! L’Allemagne nazie fait prisonniers les soldats et réquisitionne, à partir de 1943 – sous cet acronyme, les travailleurs français pour bénéficier d’une main-d’œuvre supplémentaire nécessaire à son effort de guerre en les envoyant au pays. Elle n’aura toutefois pas le temps de voir ce captif d’exception s’installer durablement dans ses camps ou stalags ! Swiatek, habile et audacieux, s’en échappera au bout de six mois…  

Pompier de service

Ce seront donc bel et bien les Girondins qui profiteront de l’occasion pour signer l’évadé ! À presque 22 ans, le 19 mai 1943, il se rend donc à Bordeaux comme il peut, sans trop éveiller les soupçons de l’occupant. La capitale girondine, lieu stratégique et portuaire, est exposée aux bombes des Alliés. Sacré comité d’accueil ! Le jeune club marine et blanc et sa formation fanion sont amputés de beaucoup de joueurs, dont certains ont été mis sous les verrous ou se battent sur divers fronts de résistance. Toutefois, cela ne l’a pas empêché de brillamment glaner un premier titre professionnel en 1941 (après celui de champion de France Amateurs en 1937), en remportant la Coupe de France, au terme d’une formidable épopée sportive et humaine... Swiatek le sait, et est bien conscient de s’engager dans un collectif de très grande qualité. Lui qui n’a, finalement, pas atterri ici par hasard… « J’avais déjà été sollicité par le R.C. Roubaix, et mon entraîneur à Blénod avait, de son côté, écrit aux Girondins pour me recommander, relate-t-il en 2009 dans « F.C. Girondins de Bordeaux depuis 1881 » (Éditions M6). Ces derniers m’ont alors proposé de faire un essai. C’est comme cela qu’en pleine guerre, j’ai effectué le voyage pour Bordeaux en train. » Le flair et la plume du technicien de Meurthe-et-Moselle ont finalement été récompensés ; le postulant aussi, puisqu’il va demeurer de longues années au Club. Et même passer le restant de sa vie à Bordeaux ! Dès le départ, il est logé et nourri par l’intermédiaire du Club, et embauché dans l’unité des pompiers du Port de Bordeaux (aidé en ce sens par le secrétaire du club qui « était devenu colonel »), et joue dans une formation qui se nomme depuis plusieurs mois « Girondins Association Sportive du Port ». Bien que sous commandement allemand, il est placé (ou pistonné, dirions-nous aujourd’hui) dans de bonnes conditions pour travailler. Il bénéficie d’un « programme allégé », comme il le définira par la suite… « L’essai que j’ai fait, au Stade Galin, a été concluant ; on m’a fait signer ! Grâce à Monsieur Brard, Secrétaire général du Club, j’ai été incorporé comme d’autres joueurs de l’équipe dans l’unité des pompiers du port de Bordeaux, ce qui m’a évité d’être mobilisé. » Mobilisé, il l’est aussi sur le terrain où, au moyen de talent et de crampons insolites à bouts carrés, il fait parler le football. Depuis le début du conflit, les championnats de guerre ne sont pas simples à déchiffrer. En raison des bombardements, des avancées – ou reculs – des troupes ou des aléas politiques, le calendrier des rencontres et des compétitions deviennent plus que fluctuant, laissant de côté toute forme de cohérence. Ainsi, entre les changements de noms de clubs, les fusions entre ceux-ci, ou l’établissement de compétitions regroupant différentes bannières sous des appellations dites de « ligues », « sélections », « régions » ou « provinces », et sans tenir compte de la géographie régionale, il n’est pas évident pour tout un chacun de trouver ses marques ; ni individuellement, ni collectivement ! Mais Swiatek y parvient progressivement, sur le pré et dans le civil, et conquiert des titres. D’abord avec les amateurs. « J’ai été champion de France Amateurs. C’est un souvenir indélébile. Nous avons battu l’A.S. Cannes en finale par 2 buts à 1. Ce fut-là le départ de ma carrière », confiait-il au magazine « Marine et Blanc » du 8 novembre 1986. « J’ai été champion avec l’équipe fédérale de la région Guyenne-Gascogne, au terme de la saison 1943-1944, puis j’ai intégré l’équipe professionnelle la saison suivante, appuyait-il aussi en 2009, dans l’ouvrage édité par les Girondins (et M6). Je me suis lié d’amitié avec René Gallice, qui est devenu mon associé dans le magasin de sport que nous avons fondé (« Gallice et Swiatek », en 1949, à Bordeaux-centre, lequel est donc devenu une véritable institution dans la cité, et pour les clients, NDLR). Ensemble, nous avons remporté le titre de 1950… »