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Légendes - Bixente Lizarazu (partie 2)
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Meilleure défense et record

Au club, par la force des choses, les cartes ont été rebattues. Et, à l’orée de la saison 1992-1993, il n’est pas question de se contenter de bien figurer dans le championnat. Non, il faut se qualifier pour l’Europe ! La jeune génération a pris le pouvoir, et elle sera encadrée par le sulfureux Rolland Courbis, nommé au poste d’entraîneur ! Éric Guérit et Jean-François Daniel arrivent de l’A.S. Cannes, tout comme Zinedine Zidane, qui est l’un des grands espoirs de la nation. À 20 ans, ce surdoué du foot a tout l’avenir devant lui. Et c’est à Bordeaux qu’il choisit donc de l’écrire, en compagnie de ses potes Liza et « Duga », notamment ! Courbis (aux manettes de 1992 à 1994) va tirer au maximum profit des qualités de son groupe, en expérimentant avec succès certaines combines dans le jeu. Ainsi, il repositionne, quand jugé nécessaire, Lizarazu plus en… attaque ! En 1993-1994, notamment. Il s’en est souvenu en octobre 2015, lorsque France Football le questionnait sur ses choix spécifiques. « Je  pensais qu’avec ses qualités d’ancien attaquant, il pouvait, durant un match, revenir à ses primes amours. (…) Je l’ai mis toute une partie de la saison milieu gauche, devant Laurent Croci, que j’avais placé arrière gauche. Bixente était comme un poisson dans l’eau à ce poste-la. Un poste qui lui a ouvert les portes de l’Équipe de France. » En réalité, il deviendra international lors de la saison d’avant, avec une première « cap » le 14 novembre 1992, au poste d’arrière latéral, pour une titularisation et une victoire face à la Finlande (2-1), au Parc des Princes. En qualifications pour la Coupe du Monde ’94… 1992-1993 est intéressante à aborder, sous plusieurs aspects : l’on se demande si cette formation titrée et promue va savoir prendre le rebond et atteindre les objectifs fixés ! Mais l’ossature, la confiance et le talent sont là, et les « Bordeaux et Blanc » proposent un mix d’expérience et de jeunesse qui s’avère prometteur. Avec Huard, Sence, Croci, Márcio Santos, Guérit, Sénac (capitaine), Dogon, Milojević, Grenet, Michel Flos, Philippe Lucas, Plancque, Daniel, Christophe Vecchioni, Marquet, « Zizou », Dugarry, Celso Moreira Valdeir et Salaün, cette escouade a fière allure ! La défense est tellement fiable qu’elle lui permettra d’être invaincue à domicile toute la saison ! Huard gardera même sa cage inviolée pendant 1 176 minutes (soit plus de treize matches), ce qui constitue toujours un record depuis… Et à cela, Liza n’est pas étranger ! Toujours aussi percutant sur l’aile gauche, tonique, incisif, explosif, et « sec » dans ses tacles, il met à profit, et au service du collectif, sa puissance et sa lecture du jeu. La recette est bonne et Bordeaux est fier d’être la meilleure défense de D1 en fin de compétition, avec seulement 25 buts encaissés ; Huard, Croci, Sénac, Santos, Dogon, Guérit et lui (39 matches et 4 buts T.C.C., dont 36 en D1), c’est du très solide ! Pour une très appréciable 4e place (48 points) en parallèle, au classement général ; à 5 unités de l’Olympique de Marseille, champion de France… et d’Europe ! Bordeaux revient des abysses et a parfaitement assumé son retour parmi les ténors du championnat. 

Sur l’aile, ça régale !

Les Girondins retrouvent l’Europe et Liza est l’autre leader de l’équipe, en compagnie de Sénac. L’arrière-garde est sereine, fiable, loyale. Le brassard passe sans problème apparent d’un bras à l’autre, et le peu de changement dans l’effectif n’affecte en rien la progression des ambitieux bonshommes. Lionel Perez (gardien de but), Yannick Fischer, Marcel Dib, Richard Witschge, Philippe Vercruysse (de retour au club), Youssouf Fofana et Stéphane Paille sont arrivés. Là encore, la « mayonnaise prend », et les résultats sont favorables. Le début de cette saison 1993-1994 est bon et Bordeaux s’installe à la deuxième place, derrière le Paris Saint-Germain (qui sera champion). Au final, le podium lui échappera in extremis, puisque c’est l’A.J. Auxerre (46 points) qui lui chipera la troisième place lors de l’ultime journée ! Ce sera donc encore un quatrième strapontin sur lequel il faudra s’asseoir (46 points), mais avec la satisfaction d’être bien installé au sommet de la hiérarchie hexagonale. Presque comme avant…  Sur la scène continentale, les Aquitains s’inclinent en huitième de finale de C3 (1-0/0-3) face au Karlsruher S.C. d’Oliver Kahn, après avoir pourtant cru en la qualification à Lescure, à l’aller ; et en signant une 56e rencontre sans défaite à domicile, depuis le 13 avril 1991, pour un record de longévité ! Mais sur le pré et son côté gauche, ça régale vraiment : Liza-Zizou-Witschge-Duga, c’est du top niveau ! Ça enchaîne à merveille, le jeu est plaisant, fluide, rapide et efficace ; ceci rappelant les grandes heures de la « période Olsen »… Les Girondins arborent la deuxième meilleure attaque (ex aequo) de D1, avec 54 unités ! Stéphane Paille termine meilleur buteur du club, avec 10 réalisations, mais Liza, qui joue plus haut (et Zidane plus bas), est deuxième, à égalité avec Philippe Vercruysse, avec 9 buts ! Pour 41 matches et 9 buts T.C.C., dont 32 en D1 ! Seule ombre au tableau pour lui : un caractère parfois difficile à canaliser, et stigmatisé par de trop nombreuses expulsions et cartons jaunes, dont une survenue à Karlsruhe…  Au rayon des satisfactions périphériques, il honore, le 22 décembre 1993, une sélection non-officielle avec l’équipe du Pays Basque, face à la Bolivie, à Saint-Sébastien et devant 23 000 spectateurs, pour une victoire finale symbolique par 3 buts à 1. Ce sera l’unique rencontre en la matière à mettre à son actif.

Pas d’Europe, mais… si !

Devant cette furia de talents, de statistiques et d’offensives, le calvaire des adversaires ne va pas s’arrêter de si tôt… Pour perpétuer la tradition, António José Conceição Oliveira, dit « Toni », vient d’arriver du S.L. Benfica, avec lequel il a été sacré champion national ; il remplace Courbis. William Prunier, Daniel Dutuel, Anthony Bancarel, Jean-Yves De Blasiis, Geoffray Toyes, Raphaël Camacho et Franck Histilloles prennent place dans le vestiaire pro du Haillan. Comme à leur habitude, les « Bordeaux et Bleu » entament de bonne manière le championnat. Sauf que cette fois-ci, l’ascension va connaître quelques ralentissements. Le coach portugais tâtonne, en dépit d’un potentiel vraiment conséquent ; mais sa méthode ne prend pas. En C3, le G.S.K. Katowice élimine son onze en seizième de finale, tandis qu’il connaît même dénouement sinistre en seizième de Coupe de la Ligue, et quart de Coupe de France ! Au final, la confiance s’étiole et le jeu se liquéfie. Liza est toujours accrocheur et motivé, mais l’atmosphère générale n’est pas des plus rassurantes ! D’un point de vue personnel, il satisfait à 40 matches et 3 buts marqués T.C.C, dont 33 en D1.  Fin mars, Toni a été remplacé par Éric Guérit, qui assurera l’intérim jusqu’au mois de mai… Et une fin d’exercice qui sacre le F.C. Nantes champion de France, quand ses rivaux de la façade Atlantique finissent 7es ; exit le rêve européen ! Ou pas… Slavoljub Muslin, entraîneur serbe du F.C. Pau (National 1), est recruté pour mener à bien la saison 1995-1996. Et donc, conduire les siens le plus loin possible, en Coupe… Intertoto 1 ! Car Bordeaux est convié à participer aux phases préliminaires, lesquelles peuvent donner accès à la C3 ! C’est surprenant, mais aves des instances européennes ayant de la suite dans les idées, tout est possible ! Liza et ses potes vont donc malgré tout croquer à pleines dents dans le hors-d’œuvre européen. Tant mieux pour tous... En revanche, il faudra débuter très tôt, y compris avant d’avoir fini (ou même commencé) le recrutement ! L’opportunité est providentielle et bien réelle.   Et le 1er juillet 19952, c’est l’I.F.K. Norrköping qui vient en premier au Stade Municipal Lescure, à l’occasion du premier match de poule ; le résultat est sans appel : 6-2, devant à peine 2 000 spectateurs ! Dans la foulée, les hommes d’Afflelou battent, en Irlande, le Bohemian F.C. (0-2). Le 15 juillet, c’est une nette victoire (4-0) à domicile face à l’O.B. Odense, avec des buts de Zidane, Prunier, Didier Tholot et… Lizarazu ! Et quel but ! Côté gauche, il assène une violente frappe croisée qui se loge sous la barre, comme pour clore la marque en beauté… L’ultime match donnera un résultat nul face l’H.J.K. Helsinki (1-1), en Finlande, et consacrera les Bordelais comme premiers du Groupe 5. Qualification pour le huitième de finale en poche, c’est l’Eintracht Francfort qui vient en suivant à Lescure : victoire 3-0 ! En quart de finale, le Sportclub Heerenveen s’incline également ici (2-0) ! Le préliminaire-aller propose – encore – le Karlsruher S.C. de Winfried Schäfer : d’abord en Allemagne où, le 8 août, les visiteurs s’imposent 2-0, puis sur les bords de Garonne, le 22, où les locaux concèdent le 2-2, mais avec un doublé de Liza (dont un but sur penalty) ! Le capitaine est fier de ses troupes, qui glanent-là le titre de champions d’Intertoto (comme le R.C. Strasbourg, dans l’autre partie de tableau). L’objectif préalablement manqué devient réalité ! Les Girondins joueront la Coupe de l’U.E.F.A. !   

Aller plus loin…

La « vraie » campagne est (re)lancée le 14 septembre, date du trente-deuxième de finale-aller. C’est face au F.K. Vardar Skopje et en Macédoine, où les Girondins ne racontent pas de salades : victoire 2-0 ! Le retour, le 28 septembre, se solde par un nul (1-1) arraché par le basque bouillonnant, après avoir été fauché dans la surface de réparation, et s’être fait justice lui-même. C’est suite à la transformation, en force, du penalty, qu’il envoie le F.C.G.B. au tour suivant ! Car le numéro 3 excelle dans cet exercice, qui requiert confiance, adresse et sang-froid…  En seizième, c’est le Rotor Volgograd qui chute doublement (2-1 et 0-1). En huitième, un gros morceau qui se présente aux incisives bordelaises : le Real Betis Balompié de Séville. Lors du match-aller, le 21 novembre, c’est double morsure des « rageux », et succès 2 à 0 ! Au retour, en Andalousie, le 6 décembre, grâce notamment à un Zizou des grands soirs, Bordeaux ouvre la marque et fait sensation, avant de se faire battre sur le score de 2 buts à 1. Mais c’est suffisant pour qu’il aille plus loin, et peut-être faire oublier la saison morose qu’il effectue en D1… Car c’est une 16e place (sur 20) qui sanctionne son temps de passage et son irrégularité ; avec cinq points d’avance sur le premier relégable (le 18e)…  Dans les coupes nationales, il ne dépassera pas le stade des seizièmes de finale ! Et Muslin, le 3 février 1996 et en conséquence, sera limogé, puis remplacé par Gernot Rohr ! Tandis que le spectre de la D2 pointe de nouveau son ombre, le mentor franco-allemand connaît, en principe, les recettes du maintien, en sus d’un goût prononcé pour le challenge… 

« Milan, ça m’a fait pleurer »

Après avoir éliminé dix adversaires, c’est l’omniprésent et richissime Milan A.C. qui croisera le fer en quart de finale. Le club de Silvio Berlusconi, drivé par Fabio Capello, fait office d’épouvantail dans la compétition. Avec des stars planétaires à la pelle, ses millions en caisse, et son immense palmarès, il n’a pas de problème pour vaincre ces Girondins venus du fin fond des qualifications. Le tarif, c’est 2-0 à l’aller, à San Siro, le 5 mars 1996 ! C’est la première fois, depuis juillet, que Bordeaux n’inscrit pas le moindre but. Attention… là, c’est du très lourd ! Mais l’avantage pour les Bordelais, c’est qu’au retour, la seule véritable pression ne se trouve que dans les pneus de leur bus ! Et ces derniers vont poinçonner leur ticket pour l’arrêt suivant, en réalisant l’impossible. En ce 19 mars, ils sont, à l’image de leur capitaine : décomplexés et ultra motivés ! C’est décidé : les « arrogants » n’auront pas la partie belle, ce soir-là...  Bien avant le match, l’atmosphère est différente. Il se passe – déjà – quelque chose, mais on ne sait pas encore quoi… Toutefois, ce qui est certain, c’est que les Mario Ielpo (gardien de but), Franco Baresi, Marcel Desailly, Alessandro Costacurta, Christian Panucci, Paolo Maldini, Roberto Donadoni, George Weah, Stefano Eranio, Patrick Vieira, Roberto Baggio, Tomas Locatelli, Demetrio Albertini et Paolo Di Canio, vont souffrir ! Menés par leur capitaine-courage, devenu depuis longtemps le symbole de la lutte et de la réussite dans le cœur des supporters, les Bordeaux et Blanc sont galvanisés par l’incroyable et l’inconditionnel soutien populaire. La magie prend le relai lorsque les joueurs pénètrent sur la pelouse de Lescure, et effectuent la traditionnelle reconnaissance du terrain. Les Italiens… snobent leurs hôtes ! Du moins, c’est comme cela que ces derniers le ressentent… Ce qui fait bien leur affaire, et qui les transcende encore plus ! De cet instant précis, Liza en parle avec des trémolos dans le récit, comme confié dans l’ouvrage « F.C. Girondins de Bordeaux 1881 » (M6 Éditions), en 2009. « J’ai rarement ressenti des émotions aussi fortes avec le public. Il y avait quelque chose d’électrique. L’émotion était palpable. J’avais les larmes aux yeux. (…) Le public était en transe. Cela m’a fait pleurer ! »  Avec ses partenaires ils savent, là, que l’ascendant psychologique peut être leur, s’ils parviennent à ouvrir la marque rapidement. Tholot y compte bien et c’est lui qui la déflore en premier, suite à un centre devant la cage de Liza (14e) ! La légende est en marche, le rêve et la gloire aussi… Ce souvenir, il le relate dans Les Cahiers du Football, en décembre 2016…  « Cela fait partie des actions qui restent dans la tête: je vois encore le ballon de Richard Witschge qui arrive de 250 mètres ! (Rires) Il est sur le côté droit alors qu’il n’a rien à y faire. Ce ballon va arriver entre moi et Panucci et je me dis que c’est celui qui ira avec le plus de détermination qui le récupèrera. Je prends le ballon, je déborde, je centre, et Didier Tholot marque. Ça lance le match. (…) C’est fou, c’était un quart de finale, et j’ai l’impression que c’était une finale ! J’ai toujours l’impression qu’on a gagné la Coupe de l’U.E.F.A., ce jour-là. »  Zidane (double passeur) et Dugarry (double buteur), feront définitivement plonger l’ogre dans les méandres de sa suffisance (64e et 70e). Ce 3-0 est historique et, depuis, devenu mythique ! Le vaincu lombard se consolera en s’adjugeant, un peu plus tard, son quinzième titre de champion d’Italie…  Rendez-vous demain pour le troisième épisode Lire toute la carrière de Bixente Lizarazu aux Girondins Lire toute la carrière de Bixente Lizarazu en équipe de France