Image
Image
Claps
0
Date
Contenu
Titre
Légendes - Santiago Urtizberea (partie 2)
Heading
Titre 2
Corps de texte

LA POUDRE DES CANONNIERS

Díaz, ancien de la Real Sociedad, qui « drive » aussi depuis le début Jaime Mancisidor, défenseur serein, efficace et grand ami d’Urtiz depuis la Real Unión Club (et qui a débuté aux Girondins comme Urtiz en match amical le 25 octobre 1936), construit autour de son arrière gauche un collectif qui va faire parler le succès. Bien que privé de nombreux joueurs (mobilisés, fait prisonniers, engagés dans les Forces Françaises Libres, etc.), et ferraillant dans un championnat (1938-1939) devenu par la force des choses fantaisiste, le « Sorcier basque » révèle des joueurs, et va en « recruter » d’autres dans des camps de la région où l’on concentre de nombreux réfugiés. Il leur évitera ainsi probablement de connaître une funeste destinée, en leur offrant une opportunité unique de briller dans le football et de vivre de leur passion… Le technicien possède un vrai flair et associe donc les meilleurs aux côtés du buteur. Francisco (dit « Paco ») Mateo Vilches (en provenance du F.C. Barcelone), l’un des plus illustres d’entre-eux, s’y adjoint sur le front de l’attaque, pour faire parler la – bonne –  poudre, quand celle des canons s’évapore dans la tristesse d’un pays auquel il ne reste plus que le sport pour s’enthousiasmer quelque peu... À eux deux – et bien aidés par leurs coéquipiers offensifs – ils font le spectacle et trembler les gardiens de but ! Ainsi les leurs, qui disputent un championnat 1939-1940 découpé en zones géographiques, redevenu « Amateurs » et qui n’ira pas à son terme au niveau des phases finales, se classent premiers du Groupe Sud-Ouest, avant de remporter la « finale Sud » face à l’O.G.C. Nice (3-0), premier du Groupe Sud-Est. Mais l’Histoire s’écrit bientôt en lettres capitales à l’échelle du pays, lorsque lors de la mouture suivante, en championnat dit « de guerre » (et premier disputé sous l’Occupation), les Aquitains ont la bonne idée de se mettre de nouveau en valeur. Cette fois-ci, seules trois poules existent : elles sont nommées « Zone libre », « Zone interdite » et « Zone occupée ». Maintenant baptisés « Girondins Association Sportive du Port », ces derniers évoluent dans la dernière citée… et y termineront troisièmes sur sept. Mais l’essentiel est ailleurs, puisque c’est en Coupe de France que le bleu marine s’impose aux couleurs brunes que le pays, malgré lui divisé, arbore…  

LA COUPE DE FRANCE

Adeptes d’un jeu solide, physique, puissant – lequel est même comparé par la presse au football anglais – et redoutable d’un point de vue offensif, les Girondins commencent à faire peur à leurs adversaires, et à capitaliser de la sympathie auprès des différents publics de l’Hexagone. Urtiz, qui empile les buts à chaque tour disputé, scelle au fil des matches, et avec d’autres éléments qui deviendront des emblématiques du club (André Gérard, Jaime Mancisidor, Ferenc Szego/Szukics, Nordine Ben Ali, Henri Arnaudeau, Pierre-Michel Miramon ou Claude Pruvôt, notamment), un pacte de victoire. De fait, le collectif dispute sept rencontres (soit quatre entre les seizièmes et les demi-finales de zone), dont trois finales interzones, que les Bordelais remportent ! La dernière, face au Sporting Club Fivois (2-0), l’une des meilleures formations du pays. Ce premier haut fait historique, en professionnels, n’aura d’écho qu’en 1985-1986, quand la bande d’Aimé Jacquet et Alain Giresse glanera à son tour le précieux sésame… Ou l’art d’avoir réalisé-là un réel exploit ! Un trophée Charles-Simon légitiment brandi à l’issue de la finale par capitaine Mancisidor, mais dont le héros aura sans conteste été Santiago Urtizberea. Celui-ci en est l’unique buteur. Et face à ce redoutable S.C. Fives – club lillois très en vue durant l’entre-deux-guerres –, cette victoire est celle qui permet aux Girondins de se faire connaître du public du Stade de Paris (appelé aussi par la suite stade « Bauer »), à Saint-Ouen, mais encore un peu plus sur le plan national. Après avoir vaincu le Red Star Olympique (1-3) et le Toulouse F.C. (1-3) dans la capitale, la troisième et ultime échéance in situ (en autant de stades différents) consacre ce merveilleux collectif. Et le talent de notre homme qui, en ce dimanche 25 mai, marque un doublé, en seconde période (60 et 84es minutes de jeu). Il lui aura donc fallu moins de vingt-cinq minutes pour transformer ce jour de fête des mères, en celle des pères (ou… paire !) : en l’occurrence, même, en la sienne ! Sa fille, Miren, nous conte (en 2016), sourire en coin et de façon très imagée, la malice – bon enfant – de son paternel, sur les terrains de football. « Il était roublard, vicieux et il disait parfois à l’adversaire : ‘‘L’arbitre a sifflé, tu peux t’arrêter ! ’’, quand ce dernier répondait : ‘‘ Ah bon ?’’… Et là : boum… c’était but ! »  De savoureuses séquences, qui ne doivent pas faire oublier que le costaud du sud était tout d’abord un formidable joueur, un buteur hors pair. Roger Dahetze, journaliste à Sud-Ouest écrit dans ses colonnes, à l’occasion du (deuxième) jubilé d’Urtiz, le 13 octobre 1975, que ce denier « marqua son époque, autant que Paul Nicolas (l’un des meilleurs attaquants et buteurs français du début du XXe siècle, NDLR) marqua la sienne. Il était capable de donner à un match une dimension insoupçonnée, de le transfigurer comme l’eut fait l’apparition d’une nouvelle espèce de joueurs venus de l’irréel. » André Nogues, dans le même journal, relatait plus tard : « Urtiz fut un fidèle (…) Aux Girondins, il tint à y demeurer en dépit des offres reçues. Du grand Racing-Club de Paris, par exemple, ou il aurait gagné, peut-être, dix fois plus qu’à Bordeaux, où les salaires n’étaient pas bien gros. » Fidèle à son club d’accueil, ses couleurs et à son implacable adresse dans les 16,50 mètres. Comme lors de cette fameuse finale fondatrice, donc, où « surgissant en bolide », il « entre en but avec le ballon », à la limite de la percussion avec le gardien, qui allait se saisir de la sphère, en l’air ! Et comme suite à une frappe de Szego, il redressa la course d’un ballon que tous voyaient finir en sortie de but… Se trouver au bon moment au bon endroit, posséder le sens de l’anticipation, la robustesse physique, le tir et le jeu de tête puissants, tout ceci conjugué à une classe incontestable, est un art inné chez le Basque. Car avec 51 buts – recensés au minimum (4) –, toutes compétitions confondues, en neuf saisons professionnelles comptabilisées, un quadruplé, inscrit lors de l’édition 1945-1946, en D1, face à Metz – en ouvrant la marque et en la clôturant – (8-0, 7e journée), 3 triplés, 10 doublés et probablement bien d’autres encore4, sans oublier les nombreux autres buts décisifs… difficile d’en douter ! Retrouvez la première partie de l'article Découvrez l'intégralité de Légendes - Santiago Urtizberea

NOTES DE BAS DE TEXTE

(4) Les archives d’avant-guerre, datant de la période 1939-1945 ou d’après-guerre, étant parfois manquantes, inexactes ou incomplètes, il est difficile de trouver des sources parfaitement fiables en termes de statistiques, malgré le souci de coller au plus près à la réalité du terrain et à l’exactitude chiffrée.